8 c’est le chiffre clé. A 8 jours de la date fatidique, vous réalisez un 8x800m avec 80 secondes de récupération. Ce test s’appelle le grand huit. S’il ne vous fera pas tourner la tête, il est, paraît-il, imparable pour estimer votre performance sur marathon. Vrai ou faux ?

Le règle des 8

Une règle circule dans les pelotons de la course à pied. Une parmi des dizaines que les pratiquants adorent diffuser. Personne n’en connait vraiment les origines mais la façon dont elle est construite interpelle par sa teneur et intéresse par son mode opératoire. Elle concerne l’évaluation pu plutôt l’extrapolation de votre performance possible sur marathon durant votre préparation à votre objectif.
Elle consiste à réaliser, à 8 jours de votre marathon, une séance test. Il s’agit de 8x800m avec 80 secondes de récupération. Les temps moyens réalisés permettraient alors de donner le résultat de votre course.
Je réalise une moyenne de 4’ sur les 800m, donc je dois être en mesure de réaliser 4h au marathon. Simple, non ? Trop simple peut-être ?
Il a suffit que cela fonctionne pour quelques-uns pour qu’on en fasse une règle générale. Et les modes de communications actuels favorisent cette propagation des informations.

8 fois 8 ne font pas 42

Nous avons tous, c’est légitime, envie de règles simples pour calculer ou comprendre certaines choses. Mais il faut toujours garder à l’esprit que simplifier c’est souvent réduire. Et que ce qui s’applique à tous ne s’applique à personne. Une autre règle qui fait fureur dans le peloton des coureurs prétend que l’on doit diviser par deux la vitesse de course quand la distance, elle, double. Si je cours un semi-marathon à 13km/h, alors je peux courir un marathon à 12km/h. Là encore, cette généralisation est forcément réductrice car on s’aperçoit dans les faits que cette règle ne peut s’appliquer à tous. En effet, elle oublie une chose essentielle : le marathon peut représenter du simple au double de durée. Donc il n’est pas possible d’appliquer cela de la même manière car les temps d’effort ne peuvent se maintenir l’identique sur des tels différences de course. Pour ce qui concerne la règle de 8, pour qu’elle fonctionne, il faudrait qu’elle mesure, lors de sa réalisation, ce qui fait le trépied de la performance. C’est à dire les 3 facteurs clés de la réussite chronométrique.
A savoir :
– la puissance aérobie (qui se travaille et se développe par les séances de VMA)
– l’endurance aérobie (qui se travaille et se développe par les séances d’EMA)
– le rendement ou le coût énergétique de la foulée (qui se travaille et se développe par les séances de vitesses spécifiques).

Or, ce n’est pas tout à fait le cas. Si 8x800m se rapproche effectivement d’une séance de VMA longue et peut donc être l’expression de la puissance aérobie, elle ne révèle pas les qualités d’endurance aérobie du coureur qui s’expriment sur la durée. Rappelons que l’EMA est la séance qui développe l’aptitude à utiliser la plus grande fraction de sa VMA durant un certain temps. Elle améliore l’indice d’endurance qui est l’expression de la capacité du coureur à maintenir des vitesses élevées bien que le temps d’effort s’allonge. Et en l’occurrence, pour la distance qui nous intéresse, le marathon sur des heures. C’est donc très éloigné de 8 répétitions de quelques minutes. Donc il n’est pas possible de prétendre qu’une séance d’une telle durée soit révélatrice que l’aptitude à tenir durant des heures une même cadence. Enfin, pour le coût énergétique, on peut se demander, si le fait de courir huit fois 4 minutes à 12km/h, huit fois 2’50″ à 16.94km/h et enfin, pour reprendre tous nos exemples, huit fois 3’30″ minutes à 13.7km/h sont révélateurs d’une efficacité mécanique durant 4h à 10.55km/h, 2h50 à 14.9km/h et 3h30 à 12km/h. En effet, cette qualité repose sur le fait que la foulée s’adapte aux sollicitations auxquelles elle est soumise. Elle illustre cet adage bien connu : « C’est en forgeant que l’on devient forgeron ». Donc il faut forger en répétant de longues séquences à la vitesse spécifique. C’est-à-dire celle de votre objectif. Et durant de longues heures, en proportion de celles que vous avez courir le jour J. Ainsi, il est difficile d’imaginer que la réalisation d’une séance rapide de quelques dizaines de minutes puisse être le reflet d’une efficience de plusieurs tours d’horloge.

Pour conclure sur le grand huit

Il semble très hypothétique de croire que ce type de séance, réalisée dans un laps de temps court à des vitesses bien plus élevées que celle qu’elle est censée valider, puisse révéler un potentiel sur plusieurs heures.
Bien entendu, c’est effectivement tentant et humain de vouloir le croire. Mais il faut se rendre à l’évidence que l’on ne peut pas ou rarement tout simplifier sous forme de règles. En course à pied, chaque coureur est unique et il est souvent l’exception qui confirme celles-ci. De plus souvent, ces règles sont édictées en prenant comme référence des athlètes de bons niveaux. C’est le cas, par exemple, des pourcentages de VMA que l’on annonce pour une épreuve. « On court un marathon à 80% de la VMA ». Mais ceux qui avancent cela oublient l’essentiel. Un marathon peut durer 2 heures, 3 heures, 4 heures, 5 heures. Il est donc aisé de comprendre qu’appliquer le même pourcentage à tous est une totale ineptie. Mais pourtant elle est facile à entendre et à appliquer cette règle. Trop justement …

Connaître votre potentiel sur marathon

Pour connaître votre potentiel sur marathon, rien de tel que de prendre une performance récente sur un semi-marathon. Cela vous donnera un reflet plus juste de votre potentiel. Appliquez la règle des 5%. Multipliez par deux votre record du semi-marathon, puis ajoutez 5%. C’est à dire en multipliant par 1,05. Toutefois, cette estimation dépend aussi de votre capacité à maintenir une vitesse élevée longtemps et de votre aptitude à gérer l’effort sur la durée. Dans le doute, multipliez par 1.10 (soit 10%). Dans tous les cas, cela vous donne quand même un ordre de grandeur et une fourchette de temps indicative de vos possibilités.