Les 100km de Millau sont sans conteste l’épreuve d’ultra sur route, la plus prestigieuse de France. Dites que vous êtes “cent bornard” et la question à laquelle vous aurez instantanément à répondre sera : « Vous avez couru les 100km de Millau ? ». Si vous pouvez répondre par l’affirmative, vous verrez alors une pointe d’admiration apparaître sur le visage de votre interlocuteur. Dans le cas contraire, c’est un étrange sentiment de vide qui risque de vous envahir face à la réaction déçue. Il est difficile, effectivement, de concevoir une carrière de cent bornard accomplie sans une participation à ce que tout le monde appelle (et ce n’est pas un hasard) : la Mecque du 100km.

Un peu d’histoire

Courir Millau, c’est aborder un monument de la course hors stade. C’est vivre des moments forts que vous n’oublierez jamais quel qu’en soit le résultat. Courir Millau, c’est plonger dans l’histoire du 100 bornes en France. C’est remonter à la source de la course hors stade. Là où tout a commencé quand de doux dingues décidèrent de rendre la course à pied accessible à tous.

Légende et monument

Cette épreuve est née 1972, en pleine période contestataire post soixante huitarde.
Malgré les bouleversements de l’époque, l’athlétisme est encore bien formaté, réglementé. Tout se passe dans les stades.  Des visionnaires vont alors décider de le faire sortir des enceintes pour donner la possibilité de faire du sport à allure libre. Le mot était à la fois lancé et sans équivoque. Dès les premières éditions, la course s’installe dans le paysage et la légende commence à naître. L’actuel parcours date de ces toutes premières années. Une première boucle le long du Tarn sur chacune des rives puis la redoutable deuxième partie, un aller-retour jusqu’à Saint Afrique par-delà les sévères côtes et le désormais mythique col de Tiergues. Sa longueur et ses pourcentages focalisent les peurs, les espoirs et les rêves de tous. Que vous soyez débutant à Millau ou habitué, vous savez que c’est là que (presque) tout se joue. C’est aussi cette seconde partie de la course (qui fait tout de même 58 kilomètres) qui vous vaudra vos plus belles émotions, de grandes souffrances, une sensation d’être mort et une renaissance, plusieurs fois comme plusieurs vies, en accéléré sur une journée.
Le délai de 24 heures pour boucler l’épreuve permet à beaucoup de concurrents de courir de nuit. Cela rend la fin de course particulière et l’ambiance unique. C’est pourquoi Millau permet de vivre un moment d’exception dans une vie de coureur à pied. Cette course est à la fois difficile, superbe et unique.

Oubliez le chrono !

Envisager un chrono à Millau est un leurre. On y va pour finir ou éventuellement faire une place. Quel que soit l’objectif, il convient d’emblée d’ajouter entre 20 à 60’ selon votre niveau par rapport à une performance réalisée dans des conditions normales, tant il est vrai que Millau, à tout point de vue est hors norme.
Le dénivelé, la chaleur, ou les orages sont des éléments qui peuvent influencer considérablement le déroulement de l’épreuve.
Ce constat implique plusieurs considérations à intégrer dans la préparation.
1.    S’entraîner sur des parcours comportant un dénivelé important avec des côtes longues, présentant un pourcentage aux alentours de 4 à 8% et des passages au-delà de 10%.
2.    Effectuer hebdomadairement des sorties dans des conditions de températures élevées afin de préparer l’organisme à supporter les fortes chaleurs souvent possible le jour J, même s’il faut aussi se préparer à l’éventualité de subir les orages et la pluie.
3.    Prévoir d’être suivi durant ces séances afin d’optimiser la relation coureur-suiveur, si vous avez choisi cette option dans votre organisation de course. Vous devez, de surcroît, impérativement vous assurer que ce dernier est véritablement capable de digérer les différents cols et côtes qui jalonnent le parcours et d’assumer sa tâche sans faillir. A l’inverse, cela va entraver fortement votre course si votre accompagnateur vous lâche. Et ce sera forcément à un moment difficile de l’épreuve.

Creissels

La gestion du parcours

La problématique majeure de cette épreuve, outre le kilométrage, c’est le dénivelé. Pour le « digérer » il importe d’effectuer un travail de renforcement spécifique. Si la montée (travail concentrique) peut se travailler sans risques de dommages musculaires majeurs. Il n’en est pas de même pour la descente (contractions excentriques) où la résistance que doivent opposer certains groupes musculaires en se contractant (quadriceps, mollets) combinée à un allongement de ceux-ci, engendrent des micros lésions des fibres. A la longue, elles se révèlent invalidantes. Ce sont les fameuses douleurs aux cuisses que l’on ressent après un trail ou une compétition sur un parcours à fort dénivelé. On entend bien souvent l’athlète, dans ce cas, rendre l’acide lactique responsable de ces désagréments. Or, il n’en est rien puisque ce dernier disparaît dans l’heure qui suit l’arrêt de l’exercice. Il s’agit donc là de lésions siégeant au sein même des fibres musculaires. Comme pour tout processus lié à l’entraînement, un phénomène d’adaptation se produit lors de la réalisation de tels exercices et les dommages subis lors d’un entraînement suivant sont moindres. La programmation de séances sollicitant le travail excentrique se révèle donc extrêmement bénéfique. Une précaution est nécessaire cependant : prévoir entre les séances afin de laisser un délai suffisamment long pour la restauration des lésions engendrées. Et, comme pour tout ce qui suppose une adaptation de l’organisme, la progressivité s’impose pour limiter les risques de blessures.  Enfin, il convient de placer ces exercices à distance de l’objectif afin d’arriver le jour J avec tout son potentiel musculaire à disposition.
Donc, dès le début de la préparation spécifique (c’est à dire à 10 semaines avant l’objectif), il convient d’effectuer chaque semaine une séance de côtes/descentes et une sortie longue sur des parcours les plus proches de la configuration de Millau.

Quelques compétitions sur des profils identiques peuvent être programmées et s’avérer bénéfiques afin à la fois de travailler sur le plan musculaire mais aussi de s’astreindre à respecter la vitesse spécifique dans le contexte et l’ambiance si particulière de la compétition, impossible à restituer à l’entraînement.
Ce type de préparation ne peut s’envisager qu’à condition qu’il soit accompagné d’un programme parallèle et complémentaire où, la diététique, l’hydratation, les étirements doivent prendre une place importante. On sait par exemple que ces derniers contribuent à une meilleure capacité du muscle à supporter le travail excentrique. Les aliments très riches sur le plan protéinique vont permettre de réparer les tissus musculaires et de régénérer chaque jour les constituants détériorés de l’organisme.

L’allure spécifique

Quelle que soit la compétition que l’on prépare, ce type de séance est essentiel. Pour un 100km, sur un terrain tel que Millau, c’est indispensable. D’abord parce que sur une aussi longue distance, la vitesse de course ne correspond à aucune allure habituelle d’entraînement. Ensuite, parce qu’un tel parcours nécessite que l’on apprivoise les modifications d’allures inhérentes au profil de la course.
Développons tout d’abord le premier point. L’allure de compétition sur 100km ne correspond généralement pas, sauf pour les athlètes de haut niveau, à des allures d’entraînement habituelles. En effet, le pourcentage de VMA utilisé durant un effort de 8, 10 ou même 12 heures est inférieur au rythme de footing le plus lent (65%) et donc, il n’y a aucune habitude ni maîtrise de ce rythme chez le coureur, quel que soit son niveau. C’est la raison pour laquelle il est essentiel de s’entraîner à ces allures. Afin, d’une part d’améliorer votre rendement à cette vitesse, et d’autre part de la connaître, de l’apprivoiser jusqu’à le maîtriser parfaitement. Ainsi le jour J, malgré un contexte de stress et de tension inhérents à la compétition, vous pourrez dès le coup de pistolet libérateur vous « caler » sur ce rythme pour vous mettre à l’abri d’un départ trop rapide et éviter la sanction qui s’abat trop souvent sur les imprudents. Combien de coureurs prêts physiquement, bien entraînés ont pourtant connu de cruelles désillusions, en anéantissant leurs chances d’entrée à cause d’une gestion de course défaillante ?
Comme j’ai à le répéter :  “Ce qui est pris sera à rendre
A Millau, ce problème est accentué en raison de la difficulté du tracé. Le menu que l’on vous propose là-bas peut vous mener très vite à l’indigestion, jugez plutôt : une grande variété de bosses, côtes, profils mais surtout des descentes terribles pour les muscles, meurtrières pour les espoirs d’avant course. La première boucle de 42 kilomètres propose de suivre le Tarn sur chacune de ses rives. Si l’aller ne propose que des faux plats quasi insignifiants à ce stade de la course, le chemin retour recèle quelques pièges. Des côtes plus longues et usantes se succèdent à partir du 25ème kilomètre durant une dizaine de kilomètres. Lorsqu’enfin la route redevient plate, c’est pour laisser la place à une portion interminable qui vous permettra d’entrer dans Millau. Le passage de la ville parait long et par temps chaud, la sensation de lourdeur est à craindre.

Dès la sortie de la ville, la course commence alors vraiment. La tentation de ne pas repartir peut vous effleurer, ne l’écoutez pas car c’est bien là qu’est le cœur de la course. Dès la sortie du pont, la route s’élève vers Creissels. Au sommet, une descente raide vous amène au pied de la première vraie difficulté du parcours : face à vous deux bons kilomètres d’ascension avec une première partie très raide (10 à 12%). La descente qui suit parait bien longue et envoie dans les cuisses les premiers signes inquiétants.  Au bas, la ville de Saint Georges et sa rue principale rectiligne vous offriront la possibilité de vous refaire une santé avant les 8 kilomètres de faux plat montant, qui se terminent à Saint Rome au pied de Tiergues. Là, vous rencontrerez la légende ! 4 à 5 kilomètres de côte à la pente d’abord terrible puis plus douce auxquels succèdent les 7 de descente jusqu’à Saint Affrique. Le tour de la ville passé, vous retrouverez Tiergues pour faire le chemin dans l’autre sens. Vous connaîtrez alors déjà ce qui vous attend mais pensez à être prudent sur les premiers hectomètres de l’ascension retour qui peuvent être redoutables.
La sortie longue à allure spécifique doit être réalisée sur des parcours les plus proches possibles de ce que l’on aura à affronter là-bas.
Cela va permettre sur le plan musculaire de faire travailler votre système locomoteur en fonction des exigences du parcours et de s’y adapter pour en surmonter les contraintes (montées, descentes ..) mais aussi d’apprendre à gérer votre effort en fonction de celles-ci et notamment dans les montées où la sollicitation cardiaque ne doit pas être trop importante. Le risque étant dans ce cas de puiser dans ses réserves, car dans ce type d’exercice on a presque toujours tendance à dépasser, sans s’en rendre compte, la bonne allure. Celle qui va vous permettre d’aller au bout et qui, il faut le reconnaître, est peu élevée donc facile à transgresser sur 100km et à fortiori sur un parcours difficile. Un peu comme si au lieu de courir à 10km/h on était à 10.5 sans s’en rendre compte. Détail insignifiant me direz-vous ? Justement non ! Et c’est là que beaucoup de coureurs se trompent lourdement. Un 100km se gagne ou se perd souvent avant même que la course n’a débuté, en sous estimant l’importance du respect des allures. La stratégie du « ce qui est pris n’est plus à prendre » conduit droit à l’échec. Au contraire, ce qui est pris devra être rendu et au centuple certaines fois si l’on a été trop gourmand.
Il est donc indispensable d’être économe de ses efforts. De gérer ses réserves avec prudence. Sans s’en rendre compte on peut vite dilapider son capital.

Le suiveur

Difficile d’envisager Millau sans un suiveur. D’une manière générale sur 100km c’est une des conditions de votre réussite mais là, c’est un élément clé. Et puis être suiveur à Millau n’est pas à la portée de tout le monde. Sur un parcours aussi difficile, il faut avoir de réelles qualités de cycliste pour faire l’affaire et certaines précautions s’imposent avant de former votre « couple ».
C’est dans la pratique que vous pourrez juger des petits détails qui feront la différence dans les moments cruciaux. Il faut donc faire en sorte de réaliser ces séances à deux afin de se rendre compte de visu des besoins du coureur, de l’agencement du matériel sur le vélo pour assurer l’intendance, voir les réactions du cycliste dans les passages où il y a du dénivelé. La bonne connaissance de l’un et de l’autre, la complicité même qui doit s’instaurer est une des conditions de votre bonne entente et de l’efficacité de ce poste clé. De cette relation peuvent naître des moments de complicité intenses qui viendrons s’ajouter à votre défi.

Car courir Millau en est un et si vous réussissez dans cette aventure vous, nul doute que la coureuse, le coureur mais surtout l’être humain que vous êtes va prendre une autre dimension.
Il y aura un “avant’ et un “après” Millau, vous pouvez me croire …

Bruno Heubi
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